Les grèves de 1906 vues de Lens (6)
A une réunion des délégués du vieux syndicat, Octave Delcourt déclare : « Il est toujours facile, non seulement de soulever les masses, mais encore de leur faire applaudir à des revendications irréalisables. … Ceux qui, hier, criaient 8 heures ! 8 francs ! Les ont lâchés aujourd’hui et ils viennent nous demander : prenez-nous sous votre protection et organisez un référendum pour demander aux ouvriers ce qu’ils veulent… Ce qu’il faut valoir, c’est un salaire fixe, un salaire qui vous permette de vivre pendant que les actionnaires se partagent les bénéfices … ».
Mais la grève continue.
30 mars 1906, Méricourt Coup de théâtre, 13 rescapés remontent du fond et surgissent à l’air libre par la fosse 2 à Méricourt. Ils ont survécu aux gaz, à la faim, la soif, le noir. Ils ont erré vingt jours à travers les galeries éboulées. Leur apparition fait l’effet d’une bombe. L’opinion publique a désormais la certitude que les ingénieurs responsables des secours ont abandonné trop vite les recherches.
Ces évènements tragiques sont à l’origine d’un déchaînement de fureur chez les ouvriers qui circulent en bandes saccageant tout sur leur passage et s’opposent en batailles rangées à la cavalerie. Les arrestations sont nombreuses et le conflit dans une impasse.
2 avril 1906, bassin minier La remontée au jour des treize « rescapés » a relancé le mouvement dans le bassin minier. Depuis deux jours, la grève a pris à nouveau de l’extension. Les cités des corons connaissent des violences : pillages de maisons, combats de rue entre grévistes et soldats, sabotage des voies ferrées. Partout, la production quasiment interrompue. Les compagnies doivent faire remonter les chevaux du fond. Certaines ont même été obligées d’éteindre leurs fours à coke par manque de charbon. Déjà vingt jours de grève ! 3 avril 1906, Paris
A la Chambre des députés, débat sur la catastrophe de Courrières. Basly , avec le soutien de Jean Jaurès, se dit favorable à la « déchéance » de la compagnie de Courrières et s’en prend violemment aux personnes responsables des opérations de sauvetage et des travaux de déblaiement : « Trois jours après la catastrophe, dans un conseil composé des ingénieurs de l’Etat et des mines de Courrières, il a été décrété qu’il n’y avait plus de vivants (…). On se mit donc à travailler au plus vite à remettre l’exploitation en activité… tel était le désir surtout des exploitants. Eux ne voyaient qu’une chose : l’extraction arrêtée et, par conséquent, la diminution des bénéfices ». 4 avril 1906, Sallaumines
On apprend qu’un quatorzième rescapé, Auguste Berthon, a été retrouvé par les sauveteurs dans les travaux du puits 4 à Sallaumines.
10 avril 1906,Lens
Nouveau congrès à Lens pour les 160 délégués mais aucune avancée ne semble émerger. Dans les corons, c’est toujours la révolte !
14 avril 1906, Paris
Le rapport rendu par la commission d’enquête présidée par le directeur de l’École des mines absout la Compagnie des Mines de Courrières et ses dirigeants. Cela ne va pas calmer les grévistes.